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Epicur, alliance d’un nouveau type

En seulement deux ans et malgré la pandémie, l’alliance Epicur (European Partnership for an Innovative Campus Unifying Regions), qui réunit huit universités européennes, dont Strasbourg, pilote, poursuit sa structuration. Objectifs, réalisations, projets, en enseignement et recherche : on fait le point avec sa coordinatrice, Alison Garnier-Rivers.

« Faire accéder 50 % de nos étudiants à une mobilité. » C’est l’objectif que se sont fixés les huit partenaires1 de l’alliance Epicur, coordonnée depuis Strasbourg (université pilote) par Alison Garnier-Rivers, pour l’opérationnel (la coordination politique étant assurée par Jean-Marc Planeix). « Nous nous donnons dix ans pour y parvenir. » Ambitieux, quand on sait qu’aujourd’hui, « 75 % des étudiants de l'Unistra n’ont pas d’expérience internationale ». Pour y parvenir, Epicur s’est donc fixé l’objectif de « tester, expérimenter de nouveaux formats de mobilité, innovants, flexibles. De travailler, aussi, sur les motivations et les facteurs incitatifs à la mobilité ».

Dix ans : il faut bien ce laps de temps pour que se déploie toute la puissance d’une telle alliance, aux huit partenaires répartis dans six pays (France, Allemagne, Autriche, Grèce, Pologne, Pays-Bas). Epicur fait partie d’une nouvelle génération d’alliances continentales, lauréate en 2019 de la première vague d’appels à projets Universités européennes (voir chronologie). Les cinq millions d’euros attribués par la Commission européenne pour sa phase pilote devraient être pérennisés dans un budget pour quatre ans supplémentaires, passé le 31 octobre 2022.

La pandémie : plutôt un accélérateur qu’un frein

La pandémie a-t-elle freiné son développement ? « Oui et non, répond Alison Garnier-Rivers. Le projet a été accepté juste avant l’éclatement de la crise sanitaire. Donc dans un premier temps, on a dû s’adapter, repenser un modèle qui avait été conçu pour le "monde d’avant" ». L’éloignement géographique étant ce qu’il est, « les réunions en visio avec nos homologues des autres universités se sont imposées comme des outils de travail quotidiens. Loin de nuire à la relation de travail, cela nous a beaucoup rapprochés ! » Même chose pour les cours : « Nous mettons l’accent, entre autres choses, sur la flipped mobility, ou mobilité inversée : les ressources, les cours, les infrastructures viennent à l’étudiant. Car on sait bien qu’on ne peut pas toujours se déplacer pour un cours ou un module complémentaire. Ce modèle ouvre donc de nouvelles possibilités (lire témoignage».

De ce point de vue, la pandémie a considérablement accéléré les choses : « Notre "campus virtuel interuniversitaire", développé par nos partenaires grec et allemand (KIT), a été livré avec dix-huit mois d’avance », souligne Jean-Marc Planeix, vice-président de l’Unistra et directeur stratégique de l’alliance Epicur. Permettant une gestion intégrée des cours et des inscriptions, elle est directement reliée aux plateformes des partenaires – Moodle pour Strasbourg. « Pas besoin de créer un nouvel identifiant, l’accès a été simplifié au maximum. »

Pour autant, le numérique ne peut pas tout. « On sent bien qu’il y a une saturation, reprend Alison Garnier-Rivers. Pour quantité de choses, le présentiel est irremplaçable : nous-mêmes en faisons l’expérience lors de nos réunions d’équipe, la dernière à Thessalonique, en octobre, en présence des recteurs. Pour les cours, nous réfléchissons donc à des formats hybrides, avec des temps forts présentiels de lancement et de clôture, ou encore plus condensés, type écoles d’été. Nous sommes en train de créer un nouveau type d’alliance, plus intégrée, élargie, enracinée, tant du côté de nos partenaires que de celui de notre écosystème régional. »

Une offre déjà déployée

L’offre de cours d’Epicur, qui vient d’être lancée pour le second semestre 2022 (inscriptions jusqu’au 15 décembre), porte pour le moment sur deux sujets-phares : les langues, pilier de l’alliance (lire encadré), et les liberal arts and sciences. « Certains sont des cours déjà existants, d’autres ont été développés spécialement, à l’exemple de celui consacré à l’identité européenne, porté par Sabine Menu, enseignante à l’Ecole de mangement Strasbourg, et un enseignant de Poznan. Les étudiants sont très impliqués dans Epicur, ils se réunissent notamment dans un board des étudiants très dynamique. »

Le 2e forum annuel Epicur, organisé fin octobre à Thessalonique et en ligne, a réuni quelque 500 participants.

La recherche aussi

Epicur ne se concentre pas que sur l’enseignement : la recherche est aussi concernée2. Deux Epicamps se sont déjà tenus, dont le dernier, début décembre, à Vienne. « De ces séminaires inter et transdisciplinaires, nous ambitionnons de faire émerger un réseau de jeunes chercheurs européens. » Champs possibles d’actions, identifiés comme thématiques fortes de l’alliance : le développement durable, l’identité européenne et la santé publique.

Réflexion ouverte

« L’alliance ne deviendra structurelle que si les personnels universitaires, permanents, s’en saisissent : nous réfléchissons donc à développer cette dimension stratégique à travers un programme des ambassadeurs et des semaines de mobilités pour les personnels – staff weeks. »

Une offre extracuriculaire est aussi en maturation, centrée notamment autour de l’entrepreneuriat étudiant et d’un format stage et cours.

Une équipe à l’interface

A Strasbourg, l’équipe Epicur est composée d’une dizaine de personnes, dont certaines à la jonction entre plusieurs services (Eucor, Espace Avenir, Idip…). « Nous sommes par essence un projet transversal, donc nous travaillons en lien très étroit avec des services comme la Direction des relations internationales, la Direction du numérique, le Service de la communication, la Direction des études et de la scolarité. »

Des perspectives d’élargissement

En vue de sa pérennisation, un 9e partenaire rejoint l’alliance : l’University of Southern Denmark (SDU). De quoi représenter au mieux toutes les zones du continent européen.

Elsa Collobert

1 Université Adam-Mickiewicz, Poznań, Pologne ; Université d’Amsterdam, Pays-Bas ; Université Aristote de Thessalonique, Grèce ; Université de Freiburg, Allemagne ; Université de Haute-Alsace, France ; Karlsruher Institut für Technologie, Allemagne ; Université de ressources naturelles et des sciences de la vie, Vienne, Autriche ; Université de Strasbourg, France.

2 Epicur research bénéficie de crédits Idex, dans le cadre des Investissements d'avenir

Témoignage d'étudiante : « S’ouvrir à d’autres perspectives »

Alexandra Hudson est en double master Traduction littéraire (Institut de traducteurs, d'interprètes et de relations internationales, 2e année) et Langues (Faculté des langues, 1re année)

Citation

Ce semestre, je suis inscrite en cours de grec moderne, niveau C1, proposé par l’Université de Thessalonique. Et j’ai déjà suivi un cours d’anthropologie des langues balkaniques (Poznań) et un autre intitulé « Projet Athènes », consacré à la construction de la ville, dispensé par l’Université d’Amsterdam. Ce sont des sujets qui m’intéressaient, mais sauf à aller dans les universités étrangères qui les proposaient, ce n’était pas possible de les suivre. Alors quand j’ai vu reçu le mail d’Epicur nous disant que ces cours nous étaient ouverts, j’ai sauté sur l’occasion.

Maintenant, grâce au cours de grec, je me sens mieux préparée pour une mobilité physique, que je souhaiterais faire à l’Université de Thessalonique.

Je parle de cette possibilité autour de moi, car je trouve que cela nous ouvre à d’autres perspectives. Même si pour moi, c’est sans doute plus facile car je suis étudiante en langue, je viens du Canada donc je n’ai aucune difficulté à suivre des cours en anglais, et j’ai déjà réalisé une mobilité Erasmus (en Espagne, interrompue par la crise Covid). Il faut aussi être prêt à s’investir, et à s’adapter, car ces cours peuvent être décalés par rapport au calendrier français : par exemple, mon cours d’anthropologie tombait en plein été ! Mais cela en vaut la peine.

Le multilinguisme, pilier d’Epicur

Bon à savoir

Epicur a défini le multilinguisme comme l’un de ses piliers. Une politique commune des langues a été définie en mars 2021.

« Les cours de langues rares (nordiques, slave et grec moderne) dispensés dans notre nouvelle offre de formation permettent d’atteindre une masse critique, d’ouvrir ces cours à un maximum d’étudiants. » L’idée est de ne pas offrir que des cours en anglais, et aussi de créer des passerelles : après avoir atteint un niveau B1 ou B2 en français, polonais, néerlandais, les étudiants peuvent suivre des cours thématiques dans ces langues (lire témoignage). « Nous avons développé une vraie expertise, reconnue par la Commission européenne, sur la thématique du multilinguisme », se félicite Alison Garnier-Rivers.

L’alliance Epicur : grandes dates et chiffres-clés

Informations d'inscription

Septembre 2017 : discours de la Sorbonne d’Emmanuel Macron appelant à la création d’ « universités européennes »

2019 et 2020 : deux premières vagues d’appels à projets pilotes Universités européennes de la Commission européenne. L’alliance Epicur était lauréate de la première, en juin 2019. Ces alliances représentent 5 % des universités européennes.

307 000 étudiants dans l’alliance Epicur (bientôt 350 000 avec le nouveau partenaire danois)

41 alliances à l’échelle de l’Europe (dont 28 comprennent des établissements français)

50 % : objectif d’étudiants en mobilité à l’horizon 2030

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