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Anthropophagie : le goût de l’autre

Dans le cadre de sa programmation 2020-2021, le Service universitaire de l’action culturelle (Suac) invite l’artiste plasticien Mehryl Levisse en résidence à l'université 1 jusqu’en juin 2021. Une œuvre monumentale sur la façade de l’Atrium et une performance dansée diffusée dans la cadre des Nuits de la lecture constituent les deux premiers actes de cette résidence… à dévorer.

« L’anthropophagie est un des axes de mes recherches », précise d’emblée Mehryl Levisse. Au-delà du rapport au corps et du rituel propre à l’anthropophagie où, manger le corps de l’autre revient à s’approprier sa force, Mehryl Levisse oriente une partie de son travail sur l’auto-anthropophagie ou comment un être se construit et évolue en digérant son passé, sa culture, son histoire familiale. Au-delà de cet axe, Mehryl Levisse explore les frontières, les enjeux sociologiques et les représentations archétypales du corps, au travers de la photographie, de l’installation ou de pratiques performatives.

Le premier acte de cette résidence est une œuvre monumentale L'oisivore de 10 x 6 mètres installée sur la façade de l’Atrium, visible de jour et de nuit jusqu’au mois de mars 2. « Il s’agit d’une œuvre qui a pour objet central le corps humain, elle exprime la dualité entre ce corps humain et le corps animal. L'oisivore est également l’expression de ce fil, mince voire inexistant, qui nous sépare de ce corps animal. Les clés de lecture et les entrées en sont multiples », explique l’artiste.

Une performance sans public est-elle encore une performance ?


Le deuxième acte de la résidence est une performance filmée qui s’est déroulée le jeudi 14 janvier et encore dans la matinée du 15 janvier. Erster Solotänzer met en scène le danseur du ballet de l'Opéra national du Rhin Pierre-Emile Lemieux-Venne paré du costume créé par Mehryl Levisse qui questionne l’identité, le genre et le travestissement.

C’est au sein de la Bibliothèque nationale et universitaire et du Cardo que la performance de six heures a eu lieu. Sur place : aucun public hormis la cinéaste chargée de capter ce moment et le personnel des bibliothèques pour assurer la bonne marche de la performance. Au final, seule une partie choisie de la performance sera diffusée lors des Nuits de la lecture du 21 au 24 janvier. Un dispositif qui pose la question de la création et du lien que celle-ci entretient avec le public.  « Est-ce qu’une performance sans public est encore une performance ? Est-ce qu’une frustration va naître à ne pas voir la performance en direct ? Au-delà de l’actualité et de la fermeture des lieux de culture, il s’agit aussi de s’interroger sur la question de la quantification. Est-ce qu’une œuvre est plus rentable par sa qualité ou par le nombre de personnes qui l’ont vue ? », pose Mehryl Levisse.

La résidence se poursuit jusqu’au mois de juin avec d’autres actes à venir et notamment des ateliers avec des étudiants de toutes disciplines. « Le confinement n’a pas permis de les programmer pour l’instant mais je me réjouis de partager mon travail et d’avoir un dialogue avec eux sur ces questionnements, qu’ils soient liés à notre identité et à ses représentations ou à notre rapport à la création. »

Comme l’annonce Sylvain Diaz, directeur du Suac dans son édito de la programmation de saison : « En ces temps de disette, nous vous invitons à un banquet ; nous vous invitons à une dévoration anthropophage faite de rencontres avec des artistes. » Alors dévorons !

Frédéric Zinck


1 Dans le cadre de la résidence de Mehryl Levisse à l’Université de Strasbourg, à l’invitation du Service universitaire de l’action culturelle, en partenariat avec la Bibliothèque nationale et universitaire, le Ballet de l’Opéra national du Rhin et les bibliothèques de l’Université de Strasbourg.

2 L’installation de l’œuvre prévue le 8 janvier a été décalée en raison des conditions climatiques. Elle devrait être installée dans les jours qui suivent.

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