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Femmes et musique : l'université donne de la voix !

#musictoo, vous connaissez ? Dans le sillage de #MeToo, le mouvement questionne la place et la représentation des femmes dans le milieu musical. Quatre étudiantes en master Arts du spectacle, sensibles à la thématique, ont invité l'artiste alsacienne Léopoldine HH et une pléiade d'intervenant.e.s à y réfléchir avec elles, le temps d'une résidence artistique en deux volets.

Hyper-sexualisation du corps féminin dans les clips, ou en réaction tentation de l’effacement, de l’enlaidissement sur scène. Appréhension du vieillissement, peur de ne pas retrouver sa place après une grossesse. Mais aussi : qu'est-ce qu'un.e artiste engagé.e ? Faut-il imposer des quotas pour donner leur juste place aux femmes dans le milieu musical ?

Toutes ces thématiques, et bien plus encore, ont infusé les échanges qui ont agité, quatre soirs de suite, l’amphithéâtre AT9 de l’Atrium, à l’occasion de la première partie de la résidence de l'artiste Léopoldine HH à l’Université de Strasbourg, cette semaine.

D’abord cantonnée à l’industrie cinématographique, la déferlante #MeToo s’est rapidement propagée à tous les domaines de la société. La musique ne fait pas exception, qui a rapidement vu fleurir son propre hashtag, #musictoo, bientôt relayé par le mouvement BalanceTaScène, incarné par des collectifs régionaux.

« Toutes concernées »

Toutes les quatre en dernière année de master Approches critiques des arts de la scène et leur médiation, Barbara, Camille, Jeanne et Marie se sentent « forcément concernées, en tant que futures professionnelles, mais aussi musiciennes, festivalières… ». L’engagement de chacune prend diverses formes : l’une fait partie d’un groupe de colleuses d’affiches féministes, une autre évoque son propre « choc lorsque plusieurs témoignages ont mis en cause un de mes profs pour harcèlement sexuel – comme dans beaucoup de cas, tout le monde savait mais se taisait ! »

Lors d’un exercice, l’année dernière, consistant à « imaginer de A à Z une résidence artistique », elles se prennent au jeu. Et décident d’aller jusqu’au bout, en concrétisant le projet. Pour elles, ce doit être une femme. Et ce sera… Léopoldine HH, originaire de Nordheim, artiste compositrice interprète, chanteuse, musicienne et comédienne, qui accepte bien volontiers. « Elle nous a fait part de son envie de profiter de cette résidence pour continuer à s’inspirer de textes, comme sur ses deux albums, mais aussi engager son propre travail d’écriture. »

« On a vraiment construit le programme de cette résidence ensemble, on faisait les propositions d’intervenants et de thématiques pour les soirées, et on peaufinait avec Léopoldine. » Les allers-retours ont été nombreux, l’artiste, pleinement investie, allant même jusqu’à leur adresser un questionnaire de Proust à chacune ! « Ça nous a pris du temps, bien plus que si on s’en était tenues au cours », reconnaissent les quatre étudiantes, pleinement investies, même encore cet été pour peaufiner les derniers détails du programme. Elles sont aidées, et soutenues activement, par le Service universitaire de l'action culturelle, et notamment Sophie Hedtmann.

Parmi les intervenants des soirées de rencontres : Sébastien Lebray (responsable de la licence Musiques actuelles), l’autrice, compositrice et interprète indépendante Jewly, les autrices compositrices interprètes strasbourgeoises Londe et Claire Faravarjoo, ou encore Astrid Jurquet. Autrice d’un mémoire de sociologie sur la place des musiciennes écrit lors de ses études à Sciences po Strasbourg, cette dernière souligne, lors d’une des soirées de rencontres, « que les problématiques posées pour le milieu de la musique – autocensure, délégitimation des filles, importance de l’éducation – peuvent finalement être extrapolées à tous les domaines de la vie sociale ». Cela explique notamment pourquoi elles ne sont que 17 % d’interprètes professionnelles, alors qu’elles sont majoritaires en écoles de musique ; minoritaires parmi les techniciens et aux postes de direction ; ou encore cantonnées au rôle de chanteuse dans les groupes, dans l’administration et la communication.

Ouvrir des horizons

Animée de l’envie « d’ouvrir des horizons plutôt qu’enfermer les débats et les gens dans des cases », Léopoldine HH rebondit sur certaines interventions du public, reconnaissant elle-même s’interroger sur la notion de féminisme. « Est-ce que je le suis ? Et qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce qu’on peut l’être seulement par ses actes, sans le revendiquer ? » Dans le public, une jeune danseuse souhaite d’emblée se désolidariser de la notion : « Je ne suis pas féministe, j’ai l’impression que pour un certain féminisme les hommes sont à éliminer… J’aime mon compagnon, je n’aimerais pas qu’on lui fasse du mal ! ». Un étudiant souhaite carrément que l’on retrace l’historique des luttes féministes… Signes qu’il existe des lieux où peuvent encore dialoguer différentes nuances d’une même conviction…

« Sororité », « Madame Rap », « non-binarité », « intersectionnalité », « Gwenaelle Aubry », « Kae Tempest », « King Kong Théorie »… Des notions, des références, des anecdotes et des récits personnels s’échangent… A chaque fin de rencontre, Léopoldine HH distille ses coups de cœur, saisit sa guitare et chante.

Chaque soir, ont aussi été déployées sur les murs les affiches de l'association Hommes/Femmes Ile-de-France, qui rendent visibles, à travers une galerie de portraits, les inégalités de genre dans le milieu de la musique. Une exposition intitulée #TuJouesBienPourUneFille.

Nourrie de ces échanges et de ces rencontres, Léopoldine HH reviendra dans un mois pour peaufiner son propre travail d’écriture. Cela donnera lieu à une restitution au théâtre du Tambourin, le 18 novembre. Rendez-vous est pris !

Elsa Collobert

 

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