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Intrigantes, loufoques, décapantes… Les affaires sordides s’invitent sur le campus

Démostratif, festival de rencontres scéniques, est de retour pour la 4e année. Une édition étoffée, qui investit plusieurs lieux de la Krutenau et multiplie les propositions audacieuses, du 29 juin au 3 juillet. Sacha Vilmar, l’étudiant en arts à l’origine du projet, désormais diplômé, et son complice le jeune auteur Romain Nicolas, dévoilent leurs intentions…

« Je veux creuser dans les situations, creuser toujours plus pour aller chercher au fond de la nuit (…) Je veux arriver là où la frontière entre l’humain et l’inhumain n’existe plus, là où la bête intérieure attend, toute prête, le signal. » L’extrait des Manifestes de Romain Nicolas, cité en préambule de la programmation de Démostratif, donne le ton.

L’auteur complice du festival de rencontres scéniques le dit tout net : il ne veut pas « d’un théâtre qui soigne, mais d’un théâtre qui détruit ». Il sera donc question, pendant cinq jours, sous la bannière-fil rouge des « affaires sordides », de traquer derrière l’illusion sociale nos injustices, nos lâchetés, notre folie. Du kidnapping de Britney Spears. D’un homme qui brode pour recoudre un corps brisé par l’agression. D’un crabe seul en scène. De la fin du monde annoncée. D’histoires d’amour nocives.  Avec aussi, pour ligne d’horizon à dépasser, les faits divers, qui n’ont de divers que leur nom, mais seraient plutôt « extraordinaires de banalité » (Romain Nicolas). Mais aussi « ahurissants, terrifiants, grotesques parfois », selon les mots de Sacha Vilmar. Le directeur artistique du festival invite à dépasser la tentation voyeuriste de la fascination-répulsion qu’ils nous inspirent à tous, pour laisser la création s’en saisir : « Tout comme la tragédie antique, les arts permettent un pas de côté pour raconter, déconstruire, mystifier ces nœuds médiatiques et sensationnels ».

Bière et transats

C’est cela Démostratif : donner de la visibilité à des sujets qui n’en ont habituellement pas, ou peu. Ouvrir la scène « aux intuitions, aux premières tentatives de jeunes artistes », à qui une grande confiance est accordée : « Quand les Strasbourgeois Vivien Knuchel et Emilie Kohler nous ont présenté leur projet de création/performance sonore/lecture, Traduit du silence, en réponse à notre appel à projets, on s’est basés sur quelques lignes d’intentions pour leur dire "go" ! » 85 % des propositions sont de jeunes créations, présentées pour la première fois à l’occasion du festival.

« Depuis ses débuts, Démostratif porte une idée simple : l’audace de la rencontre. Rencontre entre les étudiants, les diplômés, les artistes débutants et confirmés, ceux qui sortent d’écoles ou de l’université. Favoriser leur rencontre, la circulation des êtres et des idées, sans hiérarchie ni classification », raconte Sacha Vilmar, étudiants en arts du spectacle à son lancement, en 2018, aujourd’hui diplômé. Un pari auquel a cru l’université, soutenant le festival dès sa première édition*. Tous les événements sont gratuits.

Procès

Loin de se cantonner au théâtre, Démostratif multiplie les formes, innove : « Performances, concerts, DJ sets, conférences gesticulées, siestes sonores, cirque et jonglerie, exposition façon puzzle organique d’un corps en décomposition. On a aussi imaginé deux temps de procès, pour questionner de façon lyrique et manichéenne la culture légitime. Cette idée est venue des récentes occupations de lieux culturels, qui se sont rapidement muées en demande d’accession à des structures fermées à toute une partie de la sphère artistique. Plus prosaïquement, il y aura aussi de la bonne bière et des transats ! »

Enfin, « parce qu’on ne peut plus aujourd’hui faire l’impasse sur cette question », une attention forte est portée à la représentativité : « Sept metteuses en scène sont au programme, pour douze metteurs en scène ; sept autrices pour onze auteurs. On s’impose ces règles pour rééquilibrer la balance et surtout pour faire ce que personne n’ose vraiment faire : faire évoluer le sentiment de légitimité à porter des projets – mais là encore, nous sommes deux hommes qui tenons ce discours, donc sans commentaire ! De même qu’il faudrait faire encore plus pour la représentativité de ce qu’on appelle bon an mal an les minorités ». Rendez-vous sur les prochaines éditions pour apprécier le travail accompli !

E. C.

* Le Crous, la Ville de Strasbourg et la Région Grand Est font aussi partie des soutiens institutionnels. Bénéficie du soutien de l'Initiative d'excellence, dans le cadre des Investissements d'avenir.

 

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