Série « A la page », épisode 2. Chargée de système d’information documentaire au sein du département du même nom, Delphine Kapps a, en 19 ans, vu considérablement évoluer son métier. Mais aussi les usages et attentes des lecteurs. Rencontre.
« Je suis "chargée d’information documentaire". Plutôt obscur, non ? » sourit Delphine Kapps, entourée de cartons dans son nouveau bureau de l’Ensemble Saint-Georges. Il est vrai que depuis ses débuts, à l’Université Robert-Schuman, ses outils de travail ont bien changé. Les fiches Bristol de classement à manipuler ont cédé la place aux notices de logiciel, moins tangibles. « Tout a été informatisé ! »
Dans l’océan de données rattachées à tous les livres, monographies, dictionnaires, manuels et autres revues de l’université, Delphine Kapps situe son travail et celui de ses trois collègues comme « à la lisière. Entre la partie émergée de l’iceberg et celle, bien plus vaste, qui est immergée ! » Côté pile : l’interface visible, qui sert aux utilisateurs des bibliothèques à rechercher ou réserver un document. Côté face : le logiciel qui permet de « faire tourner la machine. Le cœur caché du système ». Et c’est là qu’intervient Delphine : « Mon rôle, c’est d’établir des connexions entre toutes les données liées aux documents, par exemple récupérer la notice existante d’un ouvrage et rentrer ce document dans la base, de manière à ce qu’on puisse le situer dans telle ou telle bibliothèque* ».
Connexion à une galaxie d’acteurs
Loin d’être un travail en solitaire derrière un ordinateur, sa mission est connectée à toute une galaxie d’acteurs, comme la Direction du numérique ou la mission Handicap, pour toutes les questions d’accessibilité. Mais aussi l’Agence bibliographique de l'enseignement supérieur (Abes), qui gère le catalogue national du Sudoc. « Tous les documents universitaires y sont répertoriés. Par exemple, pour une nouvelle acquisition chez nous sera rattachée sa notice à la "fiche mère" de ce répertoire unique ». C'est un poste-clé car il est le lien entre les publics et des collections proposées par des collègues du Service des bibliothèques (SBU).
Il faut veiller à mettre à jour en permanence ses connaissances (évolution des formats, des normes…), et être au contact des collègues et des publics pour apporter le meilleur outil possible dans un fonctionnement pérenne. Il demande d'être réactif et communicatif.
Delphine Kapps résume ainsi son métier : « On n’est pas des informaticiens mais des traducteurs », à l’interface pour offrir une réponse appropriée au besoin de l’utilisateur, par le biais d’un logiciel dédié. « On est aussi en relation quotidienne avec le développeur de ce logiciel, bien spécifique. » Car dans un tel méandre de données et d’interconnexions, il n’est pas rare que la machine se grippe. Il suffit d’un grain de sable.
Ainsi, « pendant le confinement, on nous a demandé d’activer un système de demande de documents à distance à partir du niveau master ». A priori, une simple case à décocher mais… pas si simple. « Il a fallu que je teste plusieurs paramètres, pour voir si cela n’entraînait pas de réactions en chaîne imprévues… »
« Super utilisateurs »
Entre les collections sectorisées en centaines de thèmes et sous-thèmes, les documents exclus du prêt, ceux en magasins… « Les collègues en bibliothèque n’ont pas notre vue globale sur l’ensemble du système. On est en quelque sorte des "super-utilisateurs". » Qui se retrouvent, en bout de chaîne, à parfois traiter des questions d’accès liées aux cartes Pass campus. « Un vrai millefeuille de droits, entre les comptes Unistra, CNRS, invités… »
En 19 ans de carrière, Delphine a vu le système se dématérialiser, mais aussi se complexifier. « Première étape : la fusion de nos systèmes d’informations documentaires, après 2009, qui n’a pas été une mince affaire… » Dernièrement, ce sont ceux de l’Université de Haute-Alsace et de la Bibliothèque nationale et universitaire (BNU) qui ont rejoint l’aventure, dans le cadre du Schéma directeur de la documentation à l’échelle du site Alsace.
Outre ce suivi des projets structurants, Delphine se plaît depuis longtemps à former ses collègues et, plus récemment, les étudiants. Un vrai besoin, les pratiques évoluant sans cesse : « On a tous le réflexe Google dans nos recherches documentaires : il faut que le résultat arrive tout de suite. »
Et si vous allez à L’Alinéa, vous pourrez peut-être croiser Delphine, qui y effectue ses quelques heures de service en bibliothèque. « C’est une volonté de notre service, pour garder le contact avec le terrain. » Une structure qu’elle apprécie, « parce qu’elle envoie du bois ! Il y a de la vie, ça tourne, il y a du prêt ! » Les statistiques – fournies par son logiciel - ne disent pas le contraire : les codes juridiques sont les documents les plus empruntés à l’échelle de toute l’université !
* 24 dans le réseau Unistra