Focus

« Annus horribilis »… Vraiment ?

L’année universitaire qui s’achève fut une épreuve pour vous tous, personnels et étudiants, et dans tous les sens du terme. Et même si l’activité s’est poursuivie tant bien que mal, grâce à vos efforts de tous les instants, beaucoup d’entre vous ont sans doute envie de tourner la page de cette année universitaire, et bien vite. À l’horizon d’un été qui nous fait signe et d’une rentrée qui semble se préparer sous de meilleurs auspices, on voudrait oublier tout ce que cette année universitaire a signifié de confinement, de distance, de crise et, pour beaucoup, de solitude ou de découragement.

Si le désir de résilience fait se tourner les regards vers une rentrée à jauge pleine, doit-on pour autant oublier cette année si particulière ? L’hypermnésie tout comme l’amnésie sont deux maladies de la mémoire pareillement néfastes. Il ne faut ni rester dans les ornières du passé, ni se presser d’oublier. Les leçons sont bonnes à prendre, n’est-ce pas ? Ce n’est pas dans une université que l’on dira le contraire… Ne pas oublier pour vous rendre hommage avec gratitude, vous, personnels Biatss ou enseignants-chercheurs, qui avez assuré, dans les conditions que l’on sait, la bonne marche de notre université.

Ne pas oublier

Bien des choses se sont révélées au grand jour dans cette crise. Il serait irresponsable de les remettre sous le boisseau. Nous avons découvert la précarité étudiante, dévoilant notre belle ville de Strasbourg, si attractive à l’international, aussi comme une « capitale de douleurs » (Paul Eluard). Ne pas oublier ces situations si difficiles vécues par certains d’entre vous, quand votre situation familiale ou votre état de santé se sont aggravés. Alors : ne pas oublier l’inquiétante dégradation de la santé psychique de nombre d’étudiants. En même temps ne pas oublier l’engagement des associations étudiantes, des entreprises grandes ou petites, des donateurs de la fondation, pour leur venir en aide. Nous avons découvert les difficultés des enseignants-chercheurs à enseigner à distance et des étudiants à n’avoir devant eux qu’un écran. Alors : ne pas oublier que si l’outil numérique est utile, il ne sera jamais l’autel sur lequel on sacrifiera l’enseignement en présentiel. Depuis Socrate, le rapport entre maître et élève se fonde dans la réelle et humaine présence de l’un à l’autre sans intermédiaire : c’est que les nouvelles maladies nous font redécouvrir en creux les vieilles vérités. Nous avons constaté les évolutions du travail des Biatss conduisant à davantage de télétravail mais révélant aussi les difficultés matérielles, familiales parfois, de beaucoup d’entre vous. Alors : ne pas oublier que l’humain doit être privilégié dans votre vie professionnelle. Ne pas oublier votre incroyable engagement dans les équipes pédagogiques pour relever le défi de la continuité pédagogique. Ne pas vous oublier, étudiants tuteurs, engagés, enseignants et vous personnels et étudiants de santé, assumant à la fois l’urgence sanitaire et une réforme des études bien lourde. Ne pas oublier votre mobilisation de tous les instants, vous directeurs de composantes et d’unités, élus, responsables de services. Ne pas oublier non plus l’engagement des collectivités locales et territoriales, ni celui de notre rectrice déléguée à l’enseignement supérieur.

Alors, cette année universitaire, annus horribilis, vraiment ? Douloureuse, lourde, épuisante, oui. Mais est-ce provocateur que de dire que ce fut une année utile. Parce qu’elle nous a mis à l’épreuve de notre capacité d’endurer une crise majeure. En cela, fatigués, éreintés, vous l’êtes. Mais victorieux, déjà. En cela vous avez tous été exemplaires. Pour cette raison, vous méritez un grand bravo et un immense merci. Et la rentrée qui s’annonce sera votre plus belle récompense.

Michel Deneken

Président de l'Université de Strasbourg

 

Place au présentiel à la rentr... Changer d'article