Être au service des chercheurs est l’une des missions fondamentales d’un bibliothécaire en bibliothèque universitaire depuis toujours : fournir aux scientifiques un accès aux ressources documentaires, y compris les plus rares et les plus inédites. Mais aujourd’hui dans la sphère des BU, émergent de nouveaux métiers d’appui aux chercheurs autour de la diffusion des résultats de recherche. Portraits croisés d’Héloïse Gazeau et de Stéphanie Cheviron.
Héloïse Gazeau et Stéphanie Cheviron sont deux bibliothécaires d’un genre nouveau. Elles travaillent au sein du Service des bibliothèques, dans le Pôle d’appui à la diffusion de la recherche (trois personnes actuellement, six à terme), la première dans l’équipe Publications et open access et la seconde dans l’équipe Données de la recherche. Le point commun de leurs métiers : soutenir les scientifiques dans leur démarche de publication de textes ou de données de recherche dans une logique de libre accès (open access).
« Depuis les années 90, explique Héloïse, une réflexion est en cours sur le libre accès aux résultats de la recherche publique. L’idée, c’est que la science progressera d’autant mieux qu’on accèdera librement à ses données. » Il existe aussi des raisons économiques à cette évolution des pratiques, surtout perceptible sur les dix dernières années : si les résultats de recherche (textes et données) ne sont pas publiés en libre accès, ils le sont exclusivement par des éditeurs scientifiques privés, diffusés dans des revues sur abonnement, dont les prix ont grimpé de manière exponentielle ces dernières années. « A l’Unistra, nous consacrons un peu moins de trois millions d’euros par an à ces abonnements. C’est très lourd mais du moins, nous pouvons le faire. C’est loin d’être le cas dans toutes les universités et dans tous les pays du monde ».
Un contexte qui pousse à la publication en libre accès
Tout un contexte international et national pousse également à l’organisation des résultats de recherche en libre accès : les financeurs l’exigent de plus en plus (l’ANR, l’Europe, le CNRS, l’université…) et vérifient la réalité de ces publications avant de verser une partie des fonds promis. La loi pour une République numérique (2016), permet aux chercheurs de publier leurs textes en libre accès après une certaine période, même si leur contrat avec un éditeur privé ne le prévoit pas. Participent aussi de ce contexte le plan national pour la science ouverte adopté en 2018, puis l’obligation de diffusion en libre accès posée par l’Unistra au 1er janvier 2020.
« Les chercheurs sont de plus en plus ouverts à cette démarche et volontaires pour la mener à bien, mais ils ont besoin d’être accompagnés, car c’est moins évident qu’il n’y parait », précise Stéphanie. Elle-même n’est pas du tout bibliothécaire à la base, mais webmestre et spécialiste de la donnée. Depuis 2015, au sein du Service des bibliothèques, elle met ses compétences au service des chercheurs qui ont besoin de structurer et d’exposer leurs données de recherche. Elle les aide à documenter ces données, à les rendre interrogeables, ce qui est nécessaire au libre accès, mais aussi à choisir les bons outils de publication (entrepôts de données ou sites web). Tour à tour conseillère, formatrice, opératrice pour le compte des scientifiques, elle apprécie tout particulièrement le contact avec eux, la grande variété des sujets, miroir à la variété des thématiques de recherche. « C’est parfois aussi un peu compliqué, de passer sans cesse d’un sujet à l’autre, des statuettes jordaniennes aux données géologiques. Je pense que l‘avenir de ce métier passera par une spécialisation des "data librarians" par thématiques. C’est un métier très jeune où tout est encore en construction. »
Assurer une visibilité maximale
C’est aussi ce lien avec les chercheurs et la recherche qui a motivé Héloïse à quitter son poste de bibliothécaire en composante (Faculté des langues), qu’elle a occupé pendant dix ans. Sa tâche principale : aider les chercheurs à publier leurs textes en libre accès et en intégral sur la plateforme UnivOak (Archive ouverte de la connaissance), lancé par l’Unistra en 2016. On y trouve aujourd’hui 46 000 descriptions de publications et 6 000 textes en version intégrale, « ce qui leur assure une visibilité maximale ». Soutien technique à l’utilisation de la plateforme, Héloïse et sa collègue Priscilla Gabel, répondent aussi aux nombreuses interrogations juridiques que pose la publication des textes de recherche en open access, notamment leur protection face au risque de plagiat. « Le paradoxe, c’est qu’un texte publié en libre accès est bien plus facile à protéger qu’un texte publié dans une revue accessible par abonnement. Dans le premier cas, s’il est plagié, il y a beaucoup plus de chance de s’en apercevoir que dans le second », précise-t-elle.
Très naturellement, Héloïse et Stéphanie sont très impliquées dans l’organisation de la semaine de l’Open access week, qui se déroulera à l’Unistra du 2 au 6 novembre en distanciel (voir encadré).
Caroline Laplane