Focus

« Bienvenue en France »

Ce n’était pas le mur de Berlin, non. Mais quand même : la fermeture, unilatéralement décidée outre-Rhin, de la frontière allemande, n’a évidemment pas pu être bien vécue du côté français. Cette fermeture a, en creux, montré à quel point notre université tutoie l’autre rive du Rhin et joue à saute-frontière avec Mulhouse, pour rejoindre les deux autres universités allemandes d’Eucor, Fribourg-en-Brisgau et le Karlsruher Institut für Technologie (KIT), et la partenaire suisse, l’Université de Bâle. Ce n’était pas le mur de Berlin et pourtant, lorsque fut annoncée la réouverture de la frontière pour lundi matin, nombreux furent ceux qui anticipèrent, dès le dimanche soir. Et les forces de l’ordre laissant faire, on vit s’échanger des drapeaux français et allemands, non sans que furent arborés de nombreux drapeaux européens. Cette crise a conduit les pays frontaliers à adopter chacun sa propre politique en matière de lutte contre la Covid-19. De l’Espagne à la Suède, ce n’est pas la même politique. Cette attitude est légitime dès lors que les gouvernements ont autorité pour diriger les pays dont ils sont responsables. Les Français ont mal vécu la brutalité de la décision non concertée, et pas mieux d’être traités de parias, interdits de magasins à Kehl… Les frontières sont promptes à se refermer dès qu’une crise apparaît. Une université transfrontalière comme la nôtre, qui affirme promouvoir des valeurs humanistes et, au sein d’Eucor et comme université européenne EPICUR, veut développer le multilinguisme et l’interculturalité. Elle participe de manière déterminante à ce que se construise un espace sans frontières. Le virus ne montre pas ses papiers au pont de Kehl et aucun douanier ne peut arrêter un nuage toxique ou une pollution du Rhin. L’engagement de notre université dans le schéma directeur Développement durable et responsabilité sociétale au sein des établissements associés dans le contrat du site Alsace, dont elle est cheffe de file, montre à l’envi que les frontières doivent être dépassées, ce qui ne veut pas dire ignorées, dans les causes qui déterminent l’avenir de notre planète. Enfin, cette réouverture de frontière est lourde d’une autre réalité : la présence des étudiants internationaux dans notre université. Ils sont, ils seront toujours, les bienvenus. Ils n’ont pas à craindre de venir le plus tôt possible. L’engagement de toute la communauté universitaire, enseignants, Biatss, étudiants, durant la crise sanitaire a été la meilleure preuve du sens aigu des responsabilités qui l’anime. Ce n’était pas le mur de Berlin, dimanche soir. Mais c’était déjà une brèche dans le pessimisme ambiant. C’était déjà un campus tout à la joie de dire aux étudiants « Bienvenue en France ». Chez vous.

Michel Deneken
Président de l'Université de Strasbourg

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