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Il creuse en vidéo les mystères archéologiques

Thomas Laurent puise dans ses études d’archéologie la rigueur de la méthode du chercheur, qu’il associe aux codes de la vidéo sensationnaliste. Résultat : une chaîne YouTube inclassable, au succès grandissant.  

« Inventer des histoires » : du plus loin qu’il s’en souvienne, c’est ce qui anime Thomas Laurent. « Même en maternelle, avant de savoir écrire. » Par la suite, se révélant aussi doué pour l’écriture que débrouillard, il parvient à se faire repérer par la petite maison d’édition Zinedi. Son premier roman, Le signe du diable, paraît alors qu’il n’a que 21 ans. Au polar médiéval succède le thriller ésotérique Code Victoria, qui connaît un certain succès. « Et des manuscrits, j’en ai d’autres en réserve… » confie Thomas non sans mystère.

Dans les vidéos de sa chaîne YouTube, « Thomas Laurent » (sous-titre « Archéologie et mystères »), on retrouve le même goût pour le nébuleux, l’inexplicable, les superstitions et les croyances... « Mais je fais la part des choses entre réalité et fiction », insiste ce fan du Da Vinci Code ou de l’auteur de science-fiction Serge Brussolo. Si ses romans prennent pour point de départ des faits historiques, aucune trace de fiction, en revanche, dans ses vidéos.

90 jours de travail pour une vidéo

Armé de son bagage d’étudiant en licence puis master en archéologie, Thomas ne laisse rien au hasard dans leur élaboration. « Chaque mini-documentaire d’une quinzaine de minutes me demande un mois et demi de travail, écriture du synopsis, tournage et montage inclus. » Tout commence par un patient travail de recherche, d’analyse et de décorticage des sources, « sur des sujets choisis de façon totalement subjective ! » Exemple avec l’épidémie de danse à Strasbourg de 1518. Dans cette vidéo, Thomas ne ménage pas ses efforts pour présenter des sources contradictoires et expliquer sa démarche de façon didactique. Quitte à mettre à mal les idées reçues, et démontrer que certains épisodes présentés comme des faits, à l’image de la mort des danseurs, restent des hypothèses.

« Ça ne plait pas à certains adeptes de la théorie du complot, friands d’interprétations manichéennes ! » Là se situe « l’ambiguïté » de l’approche de Thomas… ou sa force : jouer avec les codes des vidéos « sensationnalistes » – mise en scène du narrateur, effets spectaculaires, titres alléchants, suspense – tout en les conciliant avec une stricte rigueur méthodologique.

« Ces vidéos, type RMC Découverte, m’ont toujours plu. En cela, je partage les goûts du grand public ! Mais systématiquement, les sujets historiques intéressants se révélaient traités "à la légère". »
Le sujet déclic, ça a été les cagots. Sur France 2, Thomas tombe sur une émission consacrée à ce peuple pyrénéen maudit, se promettant d’y revenir. Deux ans plus tard, c’est chose faite. C’est le lancement de sa série « Débunk », qu’on pourrait imparfaitement traduire par « dés-infox ».

Plus de 35 000 abonnés

Deux ans après le lancement de sa chaîne, celle-ci commence à décoller, en décembre dernier : 60 000 vues pour sa vidéo s’interrogeant sur l’obsession des Romains pour le sexe, 137 000 pour son documentaire sur les cagots, et 36 355 abonnés*. « Ça a été soudain et exponentiel, et c’est clairement grâce aux vidéos Débunk. Pendant longtemps, j’ai cru que ça n’allait pas marcher, tout en sachant que j’avais trouvé ma "voie". » Pensant au départ vivre de l’écriture de romans ou se faire médiateur de musée, Thomas se convainc que les deux sont des voies de garage. Il se forme seul à la vidéo, recevant ponctuellement l’aide de son frère, vidéaste professionnel. « Aujourd’hui, j’ai cette chance de faire ce que j’aime, en conciliant mes passions pour la création et la vulgarisation. »

Face à ce succès inespéré, Thomas compte bien concrétiser l’essai. « Les démarches pour créer ma société sont lancées, et je dois accélérer le rythme de production et de publication de mes vidéos. » Il réfléchit ainsi à la conception de petites pastilles dédoublant chacun de ses sujets. Savoir que des professeurs de collège diffusent ses vidéos à leurs élèves, rien ne lui fait plus plaisir : « Ça me plaît de les voir comme des cours d’auto-défense contre les fake news ! »

Elsa Collobert

* Chiffres au 14 janvier 2019

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